Biographie
Bien au-delà du titre de "grande dame", elle demeurait l'une des âmes emblématiques de la chanson française.
"Je ne suis pas une grande dame de la chanson / ... / Je ne suis pas désespérée du matin au soir / ... / Je ne suis pas une intellectuelle / ... / Je suis une femme qui chante !" Telle était la définition qu'offrait Barbara dans les programmes de ses derniers spectacles. Son identité dépassait largement celle d'une "grande dame", elle incarnait véritablement l'essence même de la chanson française.
Une jeunesse vagabonde
Depuis sa plus tendre enfance, le désir de chanter a constamment accompagné Barbara. Enfant, elle rêvait de devenir "pianiste chantante" et dessinait les claviers de piano sur la table. De sa jeunesse vagabonde, Barbara conservait une nostalgie qu'elle exprimera plus tard à travers la chanson "Mon enfance". Ses relations familiales difficiles, notamment avec son père, seront évoquées dans un essai inachevé intitulé "Il était un piano noir" et dans la chanson devenue culte "Nantes". Sa mère, d'origine ukrainienne, lui transmit un tempérament bien trempé. Après un bref passage au Conservatoire de musique, Barbara entama son parcours en faisant de la figuration à Mogador pour des opérettes. Chaque expérience fut un apprentissage, mais elle n'abandonna jamais son objectif profond : celui de chanter. C'est ainsi qu'elle commença à écrire des textes.
En 1949, lors d'une audition pour le cabaret des frères Prévert, elle fut engagée... pour faire la vaisselle ! Elle profita de cette opportunité pour écouter d'autres artistes, dont Boris Vian. Après un passage par Bruxelles, Barbara se produisit à l'Ecluse, devenant la "chanteuse de minuit". Elle y resta pendant six ans, bâtissant ainsi sa légende. Elle interpréta les chansons d'autres artistes, comme Brassens avec "La femme d'Hector", tout en gardant secrète sa propre paternité sur certaines chansons, comme "Dis, quand reviendras-tu ?". Sans atteindre un triomphe immédiat, elle se forgea un public, partageant avec lui ses premières émotions de chanteuse.
Une artiste écorchée vive sur scène
En 1963, son premier album, "Barbara chante Barbara", fut publié. Parmi tous les titres, "Pierre" fut plébiscité par le public. Touchée par l'accueil chaleureux du public allemand lors d'une tournée, elle écrivit et interpréta la superbe chanson "Göttingen" lors du dernier soir de son récital. Grâce à Brassens, qui l'invita en première partie de ses concerts à Bobino, un public plus large découvrit cette chanteuse. La magie opéra. Deux ans plus tard, elle triompha en tant que tête d'affiche à Bobino, offrant aux spectateurs la magnifique "Ma plus belle histoire d'amour", une chanson qu'elle interpréta systématiquement lors de chacune de ses futures apparitions publiques.
En 1967, en réponse à la douleur causée par le décès de sa mère, Barbara écrivit des chansons bouleversantes telles que "Quand ceux qui vont" et "Rémusat". Il serait erroné de la catégoriser parmi les artistes dépressifs. Bien au contraire. Roland Romanelli, l'accordéoniste qu'elle rencontra cette année-là et qui la suivit pendant longtemps, se souvient de tournées où ils ne pouvaient sortir de leur voiture qu'en rampant tellement ils avaient mal au ventre à force de rire !
En 1969, Moustaki écrivit et chanta avec elle la célèbre "Longue dame brune". L'année suivante, elle tenta l'aventure de la comédie musicale avec "Madame", coécrite avec Rémo Forlani. En endossant le rôle d'une prostituée, son public, peut-être choqué, ne la suivit pas. La même année, elle sortit le tube "L'aigle noir". Les concerts et les albums s'enchaînèrent. En 1973, elle créa "Marienbad" et trouva un port d'attache qu'elle évoqua tendrement dans "Précy jardin", extrait de l'album "Seule" sorti en 1980.
Une passion toujours brûlante
Sa voix, altérée par une maladie, évolua. Cependant, sa passion demeura intacte, et Barbara triompha littéralement à Pantin en 1981, devant un nouveau public, jeune, qui l'adula rapidement. En 1986, elle expérimenta le théâtre musical avec "Lily Passion", spectacle où elle partagea la scène avec Gérard Depardieu. Préférant la chaleur du public aux studios d'enregistrement, Mogador et le Châtelet furent les derniers vaisseaux de sa carrière. "Sid'amour à mort" refléta son engagement contre l'épidémie. Secrètement, elle visita des malades dans les hôpitaux et chanta dans les prisons. Entre "Le mal de vivre", "le soleil noir" et des airs plus malicieux comme "Le bois de St Amand" ou "Si la photo est bonne", un rituel s'installa insidieusement entre elle et son public, qui n'hésitait pas à reprendre ses airs favoris pendant de longues minutes même lorsque les lumières étaient rallumées.
En 1996, elle publia son ultime album studio, comprenant une version de "Des enfants de novembre" (dédiée à son jeune public estimé sincèrement) et un texte splendide signé Guillaume Depardieu : "A force de". En raison de problèmes de santé l'empêchant de rencontrer son cher public, elle rédigea un essai.
Elle décéda le 24 novembre 1997 (un mois qu'elle détestait parmi tous). Barbara, sans aucun doute l'une des femmes les plus authentiques, intransigeantes, mais aussi les plus drôles que la chanson française ait connues, traca une voie pour toutes les chanteuses exigeantes.