Artiste iconoclaste, Georges Brassens, qui a constamment mis en lumière la vie ordinaire et offert à l'humanité une dose de rêverie, est aujourd'hui étudié comme un poète majeur dans les écoles. Malgré sa modestie et sa timidité maladive, il a rapidement acquis le statut de pilier de la chanson française, laissant à un public constamment renouvelé un héritage d'une rare intelligence.

D'origine napolitaine, sa mère lui transmet très tôt le goût des mélodies et l'amour de la mandoline, qui sera plus tard remplacée par la guitare. Délaissant les études au profit de la poésie, encouragé en partie par un professeur de français qui le suivra toute sa vie, Georges Brassens rêve d'émancipation. La guerre éclate pendant son voyage à Paris. Ouvrier chez Renault, il écrit des chansons qui peinent encore à atteindre le grand public. Enrôlé dans le Service du Travail Obligatoire allemand, il déserte avec la complicité d'un couple de parisiens qui le cachent. Continuant à composer sans connaître le solfège, il devient rédacteur pour "Le Libertaire", un journal anarchiste en phase avec ses idées.

Sa rencontre avec le public survient à l'âge de 31 ans grâce à Patachou, qui séduite par le style et les textes superbes du jeune chanteur, l'impose dans son cabaret très en vogue. Jacques Canetti, célèbre découvreur de talents, le convainc d'enregistrer et de se produire en première partie d'Henri Salvador.

Le public se divise face à ses chansons jugées subversives, notamment "Le Gorille", mais une partie est séduite par la poésie des textes et leur irrévérence. Les premiers disques connaissent des difficultés, mais en 1955, les radios commencent à les programmer.

En 1953, il se produit à Bobino, une salle qui deviendra sa scène de prédilection, marquant un triomphe. L'année suivante, il remporte le Prix de l'Académie Charles Cros pour l'album "Le Parapluie". L'Olympia accueille également ce chanteur au style simple, mais aux textes percutants, avec des titres tels que "Les Amoureux des Bancs Publics", "Chanson pour l'auvergnat", "La cane de Jeanne" et "La mauvaise réputation".

Malgré sa fragilité, son état de santé se dégrade progressivement à partir de 1959. Néanmoins, il continue de créer, offrant des succès comme "Les trompettes de la renommée" en 1962 et "Les copains d'abord" en 1964. En plus de ses propres textes, Georges Brassens met en musique les poèmes d'auteurs tels que Villon, Hugo et son ami Paul Fort avec "Le petit cheval".

À l'apogée de sa carrière, il célèbre ses 20 ans avec la réédition intégrale de son œuvre en coffret. Bien que la maladie l'éloigne de la scène à l'âge de 51 ans, il continue de soutenir de jeunes artistes comme Philippe Chatel et Maxime Le Forestier. Georges Brassens succombe à un cancer en 1981, laissant derrière lui des textes désormais étudiés dans les écoles, une marque indélébile d'un auteur iconoclaste qui a su donner une voix aux simples gens et insuffler à l'humanité une part de rêve.